Focus

Z. Mieczkowski, 2e RB

Publie le 30/03/2015

                          Zbigniew Mieczkowski, avec Mme le maire de Saint Aignan de Cramesnil, sur la côte 262 N.

Zbigniew Mieczkowski est né le 22 Juin 1922 dans la propriété familiale de Dzierzanowo, dans une famille aristocratique de propriétaires fonciers. Il a à peine 17 ans en ce mois de septembre 1939, et la guerre commence pour lui lorsque son père lui demande d’accompagner sa sœur, enceinte, à Varsovie.

Touriste de Sikorski1

Une fois parvenus dans la capitale, leur véhicule, une volumineuse Hudson américaine, est réquisitionné par des officiers de l’armée de l’air polonaise. Ceux-ci décident de mettre à contribution le jeune Zbigniew en qualité de chauffeur, afin de les conduire vers l’est, où, du moins le croient-ils, des aérodromes de réserve se tiennent prêts à accueillir les avions alliés.

Hélas, après plusieurs journées de vaines recherches, l’attaque de l’Armée Rouge oblige la colonne à laquelle appartient Z. Mieczkowski à passer la frontière roumaine. Tandis que les aviateurs qui l’accompagnent sont internés, il décide, avec des amis retrouvés sur place, de se diriger vers le port roumain de Constanta : le Général Sikorski, qui s’installe alors à la tête du gouvernement polonais réfugié à Paris, appelle ses compatriotes à rejoindre la France afin de constituer une armée polonaise en exil ; c’est donc tout naturellement que le groupe de Z. Mieczkowski se met en chemin vers la mer Noire, croyant gagner ensuite rejoindre la France par la mer.

Leur tentative devait s’avérer plus compliquée que prévue. Les autorités roumaines veulent initialement réquisitionner la Hudson conduite par Mieczkowski, qui doit se résoudre à la revendre à vil prix. Néanmoins, l’argent ainsi amassé permet à son groupe de reprendre la route : bénéficiant d’un passeport délivré par le consulat polonais de Bucarest, c’est finalement en train, via la Yougoslavie et l’Italie, que Zbigniew Mieczkowski arrive en France : "J’avais un visage tellement jeune et inoffensif que personne ne pouvait me soupçonner de vouloir nuire à l’Allemagne", dira-t-il plus tard. Malgré ces apparences, il est engagé dans l’armée polonaise et rejoint le camp de Coëtquidan, en Bretagne.

Zbigniew Mieczkowski en 1941. Les souvenirs de son passage en France sont plutôt désabusés : "Le camp de pouvait pas contenir tout le monde. Nous en étions réduits à dormir dans les granges et étables des villages environnants ; nous nous lavions aux abreuvoirs. Quant aux uniformes, ils remontaient à l’armée de Haller2, en 1918. C’est dans ces conditions que nous avons passé notre premier hiver en exil", se souvient-il. Au terme de sa formation de jeune recrue, il est admis à l’école des aspirants de l’arme blindée, près d’Orange.

L’attaque allemande déclenchée le 10 mai 1940 ne lui laisse guère le temps de terminer sa formation. La chute de la France est foudroyante. Ayant appris qu’une armée polonaise était à nouveau reconstituée, cette fois-ci en Grande-Bretagne, les élèves de l’école sont dirigés sur Bayonne pour être évacués. Z. Mieczkowski s’y embarque sur le M/S Sobieski et gagne Liverpool, d’où il est dirigé sur l’Ecosse.

 Initialement affectés à la surveillance du littoral face à une possible tentative d’invasion allemande depuis la Norvège, c’est en Ecosse que les Polonais devaient trouver l’accueil le plus chaleureux. Parmi eux, Z. Mieczkowski y termine sa dernière classe de lycée, puis l’école des aspirants, avant d’être versé au 2e Régiment Blindé : c’est avec ce dernier qu’il combattra jusqu’à Wilhelmshaven, en 1945.

L’été 1944 finit par arriver, et avec lui, l’invasion tant attendue sur le continent. Les préparatifs en vue du débarquement commencent à Aldershot. Zbigniew Mieczkowski reste impressionné par l’organisation britannique, qui ne laisse rien au hasard. Ainsi, lui qui est myope, se voit doté de pas moins de… trois paires de lunettes. Quant aux Shermans, ils sont préparés pour la traversée.

C’est sous un bombardement de V1, pendant le blitz, que s’effectue l’embarquement du 2e RB aux docks de Londres. La traversée reste néanmoins très calme, la supériorité aérienne des alliés étant alors absolue. Les premiers jours en France, le 2e Régiment Blindé reste en attente du débarquement du reste de la division, puis gagne le sud de Caen pour subir son baptême du feu : l’opération Totalize.

Totalize

Le peloton de Z. Mieczkowski atteint sa position de départ au matin du 8 août. L’attaque étant prévue pour midi, les équipages en profitent pour avaler leur petit déjeuner. Pourtant, ce délai profite surtout aux Allemands, qui, après leur déconfiture nocturne face aux Ecossais de la 51st Infantry Division Highland, peuvent réorganiser leurs défenses.

"Ce 8 Août, se souvient Z. Mieczkowski, nous étions positionnés en première ligne, à gauche du 24e régiment de lanciers. Nous devions attaquer à travers les collines et les bois préalablement fortifiés par l’ennemi en direction de Saint Aignan de Cramesnil et de Cauvicourt, en nous dirigeant sur les fumées causées par le bombardement des "lourds" de la 8e USAAF. Malheureusement, les bombardiers américains ont touché nos positions, laissant par contre l’ennemi suffisamment fort pour nous contre-attaquer. Nos deux premiers escadrons furent rapidement démolis". Incapables d’avancer, les Shermans établissent des écrans de fumée et couvrent l’évacuation des chars endommagés et des blessés, dont certains, cachés par les blés, ne pourront être retrouvés à temps…

Champ de bataille de l'opération Totalize, secteur polonais. Les escadrons polonais sont bloqués par le feu allemand qui s’abat notamment depuis leur flanc gauche. L’assaut des Stug III et des JagdPanzer IV du 1/12. SS PanzerJäger Abteilung est particulièrement meurtrier ; leur commandant, l’Obersturmführer Hudelbrink, recevra pour son action la croix de chevalier.

Ce seul premier jour de l’offensive, le 2e RB déplore 26 chars détruits (sur les 36 engagés) et doit suspendre son assaut. Le soir, la déception est palpable : "C’était un sentiment terrible que de voir que la moitié du régiment avait cessé d’exister. Entre officiers, nous nous connaissions tous. Nous comptions près de 80 morts et blessés ; parmi ces derniers figuraient mes amis Zbigniew Kozak et Wladyslaw Kohutnicki3, des escadrons de tête. Avec de telles pertes, nous nous demandions combien de temps nous allions pouvoir tenir sur le champ de bataille. Seul notre 3e escadron s’en sortait indemne". Toutefois, la leçon chèrement apprise est retenue : le temps des charges de cavalerie, même blindées, est définitivement révolu ; il faut désormais favoriser l’embuscade, et avancer par vagues, une première en retrait couvrant la seconde, qui peut alors progresser.

Le lendemain, 9 août, le régiment perçoit un remplacement de Shermans qui lui permet de revenir à sa dotation initiale. Il est maintenu en réserve pour permettre la préparation et la coordination de ces renforts. C’est alors que Z. Mieczkowski est blessé par un éclat d’obus dans la jambe : "Il faisait très chaud en ce mois d’août 1944. Notre escadron étant en réserve, j’en profitais pour me dégourdir les jambes à l’extérieur, malgré les avertissements de mon équipage. Soudain, une salve d’obus de mortier a touché un Universal Carrier qui circulait à proximité, le faisant exploser. Je me jetais à terre, mais des éclats m’ont atteint à la jambe". Il refuse néanmoins d’être évacué vers un hôpital et rejoint son char.

Malgré la supériorité numérique alliée, l’acharnement des défenseurs allemands, notamment de la 12e division SS Hitlerjugend, met en échec l’opération Totalize.

C’est avec l’opération Tractable, lancée le 14 août, que le régiment se remet véritablement en marche. Ce matin là, le char de Z. Mieczkowski subit une rupture de barbotin, qui le bloque dans le no-men’s land et l’oblige à faire appel à la compagnie de maintenance. En essayant de retrouver son unité à l’aide des traces laissées par les chenilles, il s’égare et rejoint… le 10e PSK, dans les environs de Jort : "Je me suis présenté au major Maciejowski4, qui m’a dit de rester avec le 10e PSK jusqu’au lendemain, et nous a confiés aux bons soins du lieutenant Ruppert5, du peloton de reconnaissance".

Maczuga

Insigne du 2e Régiment Blindé polonais. Une fois la Dives forcée, le 2e RB oblique au sud et se dirige vers Louvagny. Le 17, il s’empare de Barou en Auge. La 1ère DB polonaise y reçoit pour mission de déboucher sur les arrières allemands et de se porter au devant des forces américaines, qui arrivaient du sud. Cette tâche parait alors irréalisable : "Nous nous battions depuis des jours pour avancer d’une poignée de kilomètres. Soudain, nous devions nous porter à plus de 15 kilomètres, à travers les lignes ennemies" !

"Le soir tombait, continue Z. Mieczkowski. Après une dure journée de combats, notre régiment attendait d’être ravitaillé en essence et en munitions. Un messager a apporté à notre commandant, le Lieutenant-Colonel Koszutski, l’ordre de nous mettre immédiatement en marche sur Chambois". C’est avec le peu de ravitaillement qui lui reste que le régiment se met en mouvement.

Afin de ne pas risquer un accrochage qui risque d’hypothéquer sa mission, il se forme en colonne et, dans la nuit, se fond avec la masse des unités allemandes qui retraitent vers l’est : "Nous roulions en feux de position. Au premier croisement, un feldgendarme allemand qui réglait la circulation nous a donné la priorité de circulation, et nous avons pu continuer ! C’est seulement un peu plus tard que des officiers dans une kubelwagen ont demandé notre unité d’appartenance. Nous avons du leur répondre par le feu de nos mitrailleuses pour pouvoir continuer notre route".

Avançant de nuit, par un terrain boisé et vallonné, coupé de chemins sinueux, conduits par un guide local qui n’a pas compris leur demande, ce n’est pas à Chambois, mais aux Champeaux, à 7 kilomètres de là, que parvient le groupe du Lieutenant-Colonel Koszutski. Or, cette nuit-là, Les Champeaux servent de quartier général à la 2e Pz-Division allemande, qu’avait déjà affronté la 10e Brigade de Cavalerie Motorisée en Septembre 1939, en Pologne.

D’abord surpris, les panzergrenadiers se ressaisissent rapidement et s’opposent aux Polonais. "Coincés sur une contre-pente, dans un chemin encaissé, nous ne pouvions nous déployer. La contre-attaque des panzergrenadiers déboulait sur notre gauche. Nous essayions de les repousser en tirant de nos mitrailleuses. Soudain, des chasseurs-bombardiers américains sont apparus dans le ciel. Incapables d’imaginer qu’une unité alliée puisse être aussi profondément enfoncée dans le dispositif allemand, ils nous ont bombardés. La situation devenait cocasse : les Allemands se réfugiaient sous nos blindés pour échapper aux bombes américaines qui nous visaient !" Heureusement, malgré l’immobilisation du char de tête touché par un tir ennemi qui bloque l’ensemble de la colonne, aucun Sherman n’est détruit. Par contre, le 8e bataillon de chasseurs6 déplore des pertes.

Etendard du 2e RB. Finalement, le régiment parvient à se dégager ; mais après quelques kilomètres, il faut se rendre à l’évidence : les réservoirs sont vides, il est impossible de continuer sur Chambois. Les chars déploient un périmètre défensif, puis le groupe attend le ravitaillement. Les blessés doivent se contenter de l’aide d’un seul médecin, un prisonnier allemand, la colonne sanitaire n’ayant pas encore rejoint.

De son côté, n’ayant pas mangé de repas chaud depuis bien longtemps, Zbigniew Mieczkowski et son mitrailleur de coque se mettent à la recherche d’un point d’eau : "Nous avons repéré une petite bicoque qui semblait abandonnée. Nous y sommes allés pour remplir un jerrican d’eau. Soudain, nous avons entendu un bruit de moto : deux Allemands se dirigeaient vers nous. Nous les avons surpris et rapidement désarmés. Ne connaissant pas l’Allemand, je dis à l’un d’eux, en Polonais : Prends le jerrican et avance. Quelle ne fut pas ma surprise de l’entendre répondre dans ma langue : Vous êtes donc Polonais?". Le prisonnier était un Silésien, enrôlé de force dans l’armée allemande. "Comme le chauffeur du chef d’escadron avait été blessé, mon prisonnier ôta l’uniforme allemand qu’il avait sur lui, enfila l’uniforme polonais, et prit place dans nos rangs".

Les tankistes polonais devaient découvrir par la suite que beaucoup de leurs compatriotes de Silésie, mais aussi de Poméranie ou encore de Grande Pologne avaient étés incorporés de forces dans la Wehrmacht7. Pour compenser ses pertes, la 1ère DB Polonaise intégrera de nombreux prisonniers au profil similaire dans ses rangs : "Dans le peloton de chars que je commandais à notre entrée aux Pays-Bas (Octobre 1944), seuls trois soldats étaient des « touristes de Sikorski ». Tous les autres étaient d’anciens prisonniers".

Le 19 août, après avoir reçu le ravitaillement tant attendu, le 2e RB se met en route vers Maczuga (la côte 262 Nord) sur ordre du Général Maczek qui voit sur cette côte stratégique la possibilité pour ses troupes de surplomber le champ de bataille de la vallée de la Dives. Il y rejoint le 1er Régiment Blindé ; trois bataillons de chasseurs les accompagnent. Ensemble, ils vont constituer un verrou défensif qui devra bloquer les tentatives de retraite des troupes allemandes bloquées à l’intérieur de la poche de Falaise : "C’était une situation paradoxale – 2.000 Polonais devaient encercler et barrer la route à 70.000 Allemands" !

Sous la pression conjuguée des unités allemandes qui tentent de sortir de la poche et de la contre-attaque du 2e SS Pz-Korps, la situation des Polonais devient vite délicate. Coupés des Américains (90e DI US) retranchés dans Chambois, des Français (2e DB) qui souhaitent partir au plus vite sur Paris, et des Canadiens (4e DB) incapables d’attaquer depuis la côte 240, ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Les combats sont extrêmement violents : "Dans nos positions retranchées, tout le monde était monté en ligne et faisait feu de tous côtés. L’infanterie allemande, courageuse et tenace, s‘infiltrait partout, allant jusqu’à escalader les chars pour les détruire. A notre droite, le Major Andrzej Zawisza avait positionné ses canons anti-chars. Un panzer qui avait avancé jusqu’au sein de notre périmètre défensif fut détruit à bout portant. Malheureusement, dans son élan, il écrasa les jambes de l’un de nos chasseurs, qui périt brûlé vif sous ses chenilles".

Zbigniew Mieczkowski en 1944. Le calvaire polonais dure jusqu’au 21 août, au matin : "Vers midi, apercevant les premiers blindés Canadiens, Jerzy Niewinowski, du peloton de reconnaissance, se porta au devant de l’attaque canadienne avec trois M5 Stuart. Au risque d’être détruit par l’un ou l’autre des protagonistes, il parvint à traverser les positions allemandes puis à se faire identifier des chars du Canadian Grenadier Guards". Ensemble, Polonais et Canadiens remontent ensuite vers les positions polonaises. Jerzy Niewinowski recevra pour son courage la croix Virtuti Militari8, la plus haute décoration militaire polonaise.

Une fois la poche de Falaise – Chambois fermée, le spectacle est saisissant. Quelques 10.000 Allemands ont été tués dans les combats, et leurs cadavres jonchent le champ de bataille. Aux cadavres humains viennent s’ajouter ceux des animaux tués au cours des combats : "On présente toujours l’armée allemande comme une armée pleinement mécanisée. Mais elle apparaissait surtout comme telle en comparaison de l’armée polonaise de 1939 ! En réalité, toute son artillerie était hippomobile. Et, en plus des carcasses de véhicules, ce sont des cadavres de chevaux qui obstruaient les routes menant vers la côte 262 N. L’odeur était épouvantable, elle ne nous quittait pas. Il parait que l’on pouvait la sentir depuis les avions". Des bulldozers sont nécessaires pour ouvrir un passage aux chars, tant les routes et chemins sont encombrés de débris et de cadavres.

Belgique et Pays Bas

Après à peine quelques jours de repos, le 2e RB reprend la route. Zbigniew Mieczkowski est lucide sur cette décision, prise personnellement par le Général Maczek : "Il semble qu’il y ait eu à l’époque des pressions et des manœuvres pour retirer la division du front, en raison des pertes qu’elle venait de subir. Il s’agissait de conserver une Armée Polonaise en état de combattre pour des actions futures. Tous restaient en effet fermement convaincus que nous serions un jour en mesure d’entrer en Pologne. Mais le Général Maczek a considéré qu’après les dures pertes subies au cours des combats précédents, il était hors de question de suspendre notre marche victorieuse derrière un ennemi en fuite".

La route de Zbigniew Mieczkowski passe par Elbeuf, où le génie polonais a construit un pont sur la Seine, puis Abbeville, avant d’entrer en Belgique. A mesure que l’avance s’accélère, l’accueil des populations civiles est de plus en plus chaleureux et enthousiaste. Les combats, répétitifs, semblent se dérouler selon un ordre préétabli : "Les Allemands se retiraient, laissant derrière eux en embuscade quelques canons antichars ou de l’infanterie armée de lance-roquettes. Très souvent, nous étions gênés pas l’absence de nos propres fantassins. Je me souviens qu’à Hooglede, en Belgique, notre escadron a dû descendre des chars pour débusquer l’infanterie ennemie, cachée dans les caves et les balcons".

Une Jeep du 2e RB à Ruiselede. En raison de l'intensité des combats
et de l'ampleur des destructions, Ruiselede sera surnommée "le petit
Chambois".
Malgré ces barrages, la division progresse rapidement et la prise d’Ypres est vécue comme un grand succès, malgré les pertes subies par le 2e RB, principalement dans son peloton de reconnaissance et son 3e escadron. Jerzy Niewinowski, qui s’était distingué sur Maczuga, est blessé à cette occasion.

En progressant en direction des Pays-Bas, la nature des combats change à nouveau. Les canaux et les étendues d’eau barrent les axes routiers, il faut à chaque fois les forcer. L’automne voit l’arrivée des premières permissions : "J’ai été tiré au sort pour partir trois jours à Bruxelles. Quel changement par rapport au front ! J’ai été à l’opéra, puis dans des dancings. Et après trois jours merveilleux, il a fallu revenir dans le froid et l’humidité du front, dans un trou perdu au bord d’un canal".

Le fait d’armes le plus spectaculaire d’Octobre 1944 est la prise de Bréda. La division parvient à encercler la ville en un mouvement rapide, obligeant les forces allemandes soit à la fuite, soit à la reddition. Elle épargne ainsi à la population la perspective d’un siège et de duels d’artillerie dévastateurs. Les soldats polonais sont faits citoyens d’honneur de la ville.

Après la prise de Breda, le front se fige sur la Meuse, et les conditions empirent, à en ressembler aux tranchées de la Première Guerre mondiale. L’escadron de Z. Mieczkowski est régulièrement détaché auprès des Canadiens, qui pilonnent les positions allemandes de l’autre côté du fleuve, entre Moerdijk et Bokhoven : "Au cours de l’une de ces missions, je suis allé prendre mes ordres auprès du commandement canadien, dont le quartier général était situé dans le grenier d’une petite maison. Mon peloton devait démolir le bunker d’un observateur d’artillerie, situé sur la berge nord. Je déployais mon unité et donnait l’ordre d’ouvrir le feu. Mais au bout de quatre ou cinq salves, le souffle des canons a fait s’effondrer le toit du grenier… Nous avons bien détruit le bunker, mais les Canadiens n’ont plus fait appel à moi".

En Allemagne

Janvier 1945 voit Z. Mieczkowski engagé dans les combats à Kapelsche Veer. La Première division blindée polonaise échoue à s’emparer du petit port défendu par des parachutistes du 6e Fallschirmjäger-Regiment, mais elle assure de nouveau l’appui-feu aux Canadiens.

C’est en Avril 1945 que le régiment de Z. Mieczkowski entre en Allemagne. L’opposition initiale est forte, les combats difficiles. Le régiment progresse le long de la rivière Ems. Le 12, en fin d’après midi, le 2e RB libère le camp d’Oberlangen, où sont détenues des femmes polonaises combattantes de l’insurrection de Varsovie. De tout le conflit, il s’agit du souvenir le plus émouvant pour Zbigniew Mieczkowski, qui y retrouve sa cousine Malgorzata Lempicka.

Le commandant Koszutski au camp d'Oberlangen. © NAC 37-539-1 La fin du IIIe Reich est désormais très proche : "Les Allemands ont capitulé plus vite que ce à quoi nous nous attendions. A notre entrée dans Wilhelmshaven, c’est plus de 40.000 hommes qui se sont rendus à nous, avec de nombreux navires".

Dans les premières semaines après la fin de la guerre, Z. Mieczkowski s’attend à des actions de résistance : "Au tout début, nous organisions des patrouilles nocturnes pour essayer de démasquer des SS en fuite. Ces patrouilles comportant un policier allemand, un témoin, et plusieurs véhicules de nos troupes encerclaient et fouillaient les maisons suspectes. Nous avons corrigé deux ou trois rebelles un peu trop arrogants, mais dans sa grande majorité, la population coopérait pacifiquement avec nous".

Après la guerre, comme la plus grande partie des soldats polonais, Zbigniew Mieczkowski décide de rester en exil en Grande Bretagne. Après des débuts difficiles, il devient représentant d’entreprises industrielles américaines. A l’âge de 43 ans, il se marie avec Caroline Grenfell, fille de Lord and Lady Grenfell, d’ancienne noblesse britannique. Le mariage est célébré dans la Chambre des Lords. Ils ont deux enfants.

Zbigniew Mieczkowski est Commandeur de l’ordre Polonia Restituta. Il est titulaire de la Croix polonaise de la Valeur, de l’ordre belge de Leopold, et de la Légion d’Honneur française.

                                            Z. Mieczkowski lors des cérémonies du 65e anniversaire de la bataille
                          au cimetière militaire polonais de Grainville - Langannerie. A sa droite, Wladyslaw Kohutnicki.

 

Jacques Wiacek

 


 

1 Le terme "touristes de Sikorski" désigne les Polonais qui, après la défaite de leur pays en Septembre 1939, gagnèrent par différents itinéraires périlleux, dans des conditions souvent rocambolesques, la France et la Grande-Bretagne afin de continuer la lutte. Surnom attribué par Goebbels (tout comme "Desert rats" pour désigner les défenseurs de Tobrouk), ce terme initialement dédaigneux sera ensuite repris avec fierté par les intéressés.

2 Józef Haller de Hallenburg (13 août 1873 - 4 juin 1960) était un général et homme politique polonais. Pendant la Première Guerre mondiale, forte de ses immigrés polonais, mais aussi des volontaires venus des États-Unis et de 1.500 prisonniers de guerre allemands d'origine polonaise, la France crée par l'arrêté présidentiel du 4 juin 1917 une armée polonaise en France, dont le commandement est confié au général Józef Haller. Disposant de près de 100.000 hommes, elle est expédié en 1919 sur le front ukrainien afin de lutter contre les bolchéviks.

3 Le Capitaine Wladyslaw Kohutnicki est né à Kiev, en Octobre 1919. Au cours de l’opération Totalize, il commande l’un des premiers escadrons à avancer au devant des positions allemandes, mais doit se replier après que son char et tous les chars de son peloton aient été détruits. Il perd un autre char sur Maczuga, le 20 août, et est blessé à cette occasion.

Wladyslaw Kohutnicki a survécu à la guerre. Il s’est installé aux Pays-Bas. Il a rendu visite au Mémorial de Montormel lors des commémorations du 65e anniversaire de la bataille.

4 Le Major Jan Maciejowski, commandant du 10e PSK, fut tué par un tir de sniper le 20 Août 1944, sur la côte 113, au nord de Chambois.

5 Le Lieutenant Ruppert fut tué à peine quelques jours plus tard, en mission de reconnaissance dans Les Moutiers en Auge, le 17 Août 1944. Son tank Stuart fut détruit par un canon antichar embusqué. Sa famille a visité le Mémorial de Montormel et a pu localiser l’endroit de sa mort en janvier 2010.

6 Pour faciliter la progression du 2e Régiment Blindé sur Chambois, celui-ci fut organisé en groupement tactique par l’adjonction du 8e bataillon de chasseurs.

7 Lors du stationnement de la Première Division Blindée Polonaise à Breda, pendant l’hiver 1944 – 1945, Z. Mieczkowski a eu l’occasion de diriger un cours de perfectionnement au tir de 40 "nouvelles" recrues de la division, anciennement soldats de la Wehrmacht faits prisonniers par la division. Il garde d’eux une opinion de bons soldats, disciplinés et compétents.

8 Jerzy Niewinowski est l’un des seuls officiers de la 1ère DB à revenir après la guerre dans la Pologne communiste. Arrêté et torturé par la police secrète, il en sortira épuisé physiquement et mentalement ; il tombera malade peu après sa libération et mourra jeune.